Je n’ai jamais fumé. Je ne sais pas pourquoi. Ado, j’ai dû vivre dans une bulle. Je ne vois pas comment j’ai pu passer à travers les mailles du filet. Quoi que, j’ai quelques doutes. J’étais cette « petite fille en soquettes » un peu trop sage, pas très à la mode, dans les jupes de sa mère, mais qu’on aimait bien tout de même parce qu’elle faisait du sport, qu’elle courrait vite au cross du collège et puis qu’elle était très gentille. Cela devait être marqué sur mon front : « ne rien lui proposer ». Du coup, je n’ai même pas eu besoin de chercher des excuses. Je regardais de loin le « coin fumeurs » où partait une de mes super copines, que j’admirai alors pour sa décontraction et la facilité qu’elle avait à se faire des amis cool. Et puis, j’étais cette « petite fille », mine de rien, entourée d’amies bienveillantes ou elles aussi pas assez cool pour ces groupes-là.
Tant mieux avec le recul.
Pour l’alcool, idem. J’organisais pourtant régulièrement des « boums » (bonjour le coup de vieux là) dans le garage de mes parents. L’alcool n’était pas autorisé et tout le monde respectait la règle. Si, je vous assure. Fous non ? De ce côté là, j’arrivais clairement à dire non. J’ai toujours adoré danser et c’était ça mon moyen de m’éclater en soirée. « Si je bois, je ris 5 minutes comme une débile puis je tombe de sommeil dans un coin. YOUHOU super ambiance. »
Pourquoi est-ce que je vous raconte tout ça aujourd’hui ?
Parce que début décembre, j’ai fait une rencontre extraordinaire (dans son sens littéral). Je me suis rendu à l’un des centres Consultation Jeunes Consommateurs (CJC) de la région parisienne, celui de Boulogne plus précisément. Accueillie adorablement notamment par deux psychologues Jean-Pierre Couteron (également président de la Fédération Addiction) et Aude Stehelin, j’ai passé deux grosses heures à … m’en prendre plein la tronche.
Mais en toute bienveillance là aussi. AH AH AH AH
Plus sérieusement, en recevant cette invitation, j’ai tout de suite su qu’il fallait y aller. Mes enfants grandissent, les nouveaux enjeux et problèmes se dessinent désormais clairement. Encore une fois, je risque d’avoir besoin d’aide, j’ai envie de me préparer au mieux, envie de partager avec vous, aussi. On a déjà abordé ces derniers temps des sujets bien différents de ceux que je m’amusais à tourner en dérision il y a encore quelques mois… de blog de maman de petits, je deviens blog de maman de préados… et les thématiques traitées ici suivent mon quotidien. Et si j’ai bien lu tous vos commentaires sur mes billets consacrés au harcèlement (Te laisse pas Faire), à la prise d’autonomie… vous avez pour la plupart les mêmes problématiques à la maison.
Je vais donc essayer de vous faire passer le plus d’infos possible dans ce billet « récap » de ma visite au CJC. Notez qu’il m’a fallu des semaines pour digérer le truc hein. J’espère que cela servira à quelque chose d’avoir attendu autant. Tant qu’à faire.
Tout d’abord.
Petit1. Je ne savais pas du tout que ce genre de centre existait. Et croyez-moi, c’est hyper rassurant de le savoir. Je sais désormais où aller si un jour mes enfants sont confrontés à un problème d’addiction. Car c’est bien d’addiction dont il s’agit. Addiction au tabac, à l’alcool et au cannabis. Mais pas que. Aux jeux vidéo également.
Vous avez sans doute déjà vu ces publicités pour les CJC.
https://youtu.be/L1c1GdsKBv4
https://youtu.be/GGVsdNiz9ug
Petit1bis. J’ai compris. Entendez par là : j’ai accepté d’entendre / c’est entré et pas ressorti de mon cerveau / que : tous les ados rencontrent ces produits (et surtout les deux « légaux » que sont le tabac et l’alcool). TOUS. AUCUNE EXCEPTION. Genre, même pas MA fille. Voyez le topo que je me suis pris en pleine poire… Nous sommes dans une société qui permet l’accès « facile » à ces addictions. Une société où l’instantanéité domine, l’envie d’avoir toujours plus fort, plus vite. Par conséquent, il est inutile de se voiler la face, de faire l’autruche, de penser que sa petite pupuce chérie bien élevée et qui, depuis qu’elle sait parler dit « c’est caca le tabac », n’essayera pas au minimum une fois (et si elle s’arrête là, on pourra dire MIRACLE).
(le P’tit, 8 ans et demi, continue à penser que les fumeurs sont idiots. Puisqu’il y a marqué DESSUS « le tabac tue ». Oh les boulets. En vrai, il me fait rire… j’ai envie de le prendre en vidéo quand il m’explique par A+B qu’il faut vraiment être illettré pour fumer)
Petit2, ça se gâte. On a intégré qu’ils y passeront. OKay. J’étais prête à tout entendre. La suite était à la hauteur de mes espérances…
« On assiste à un rajeunissement de la cible des dépendants au cannabis »
Gloups. Donc non seulement ça va nous tomber sur la tronche, mais EN PLUS, bientôt. YOUHOU.
Alors on fait quoi nous les parents ?
- « Détendons-nous sur le sujet » (facile Basile)
- « Faire confiance à son ressenti« . Les psychologues nous conseillent en effet de consulter tôt même s’il n’y a pas encore beaucoup de soucis et pour cela, il faut écouter son instinct de maman. Celui que l’on utilise depuis toujours en fait. Celui qui nous fait dire qu’il y a un truc qui cloche… Souvent l’appel des parents au CJC intervient car le dialogue avec l’adolescent est rompu.
- Notre objectif de parents n’est pas d’empêcher à tout prix la consommation : on connaît très bien la réaction d’un ado face à un interdit… Mais de l’empêcher TROP TÔT et TROP FORT. Le cerveau n’est mature qu’à l’âge de 21 ans (voir 25 ans). Pour l’alcool il faut pouvoir dépasser l’âge de 15 ans. L’usage régulier de ces produits constitue une réelle perte de chance pour son avenir…
- Laisser des espaces de liberté à l’adolescent tout en gardant des règles et des repères. L’ado sait que l’adulte est là, mais qu’il lui laisse chercher son autonomie. Tout est une question de juste milieu. L’ado se rebelle contre, mais l’ado a toujours autant besoin de repères familiaux. Tout n’est pas blanc ou noir. Il faut construire autour de lui un cadre évolutif. L’exemple qu’il nous a été donné était celui de la gestion d’une soirée : on laisse à l’ado une heure de retour obligatoire et on lui demande de ne pas boire. Le parent contrôlera l’heure (et si elle n’est pas respectée, la prochaine sortie sera amputée d’autant de minutes de retard), sa démarche, mais pas son haleine, ni son taux précis d’alcoolémie. Et évidemment, promettre à son adolescent d’être toujours disponible pour aller le récupérer n’importe où et n’importe quand sans poser la moindre question. Juste pour sa sécurité.
- Valoriser l’adolescent qui trouve le moyen de dire non et venir lui donner des astuces. Et là, il y a moyen de bien se marrer pour trouver …
- Ne pas sous-estimer ou nier le bien procuré par cette consommation de cannabis ou de jeux vidéo. L’adolescence est une période terriblement compliquée, où l’on se cherche, où l’on n’a pas de conscience de tout et où l’interaction avec LE groupe prédomine.
Alors ils font quoi au CJC ?
Les CJC reçoivent parents et ados GRATUITEMENT. Ensemble, séparément. Tout dépend. Dans ce centre, les parents seront rassurés et les ados ne seront pas jugés ni culpabilisés. On ne leur demandera pas d’arrêter leur consommation du jour au lendemain sans comprendre, sans expliquer, sans empathie. Au contraire.
C’est l’objectif : établir un lien avec l’ado, comprendre ce qu’il se passe, trouver avec lui ce qu’il compense, le faire parler de sa consommation et lui faire noter dans un carnet, lui faire prendre conscience des risques (car il le sent très bien : certes, cette addiction le calme, mais cela le pénalise, celui lui enlève des fonctions cérébrales). Petit à petit, le psychologue amènera l’adolescent à trouver des solutions pour diminuer sa consommation. Pas de culpabilisation. Pas de discours bullshit à la noix. Juste de l’aide, de l’écoute. En moyenne 4 à 5 séances suffisent.
Si vous voulez en savoir encore plus, avoir un autre regard de cette rencontre, je vous conseille la lecture du billet de Caroline (PenséeByCaro) qui était avec moi ce jour-là.
Enfin, notez le numéro 0800 23 13 13 (consultation gratuite et anonyme) et ce site: Drogue Info Service
Un grand merci à Alexandra de m’avoir proposé cette rencontre bouleversante pour la maman lucide, mais inquiète que je suis. Merci – et bravo – à l’équipe du CJC qui nous a reçu Caroline et moi. Encore une fois, ce blog m’apporte beaucoup. Je me sens plus forte, plus armée et je sais que j’aurai ce réflexe CJC en cas de problème.
10 commentaires
J’étais comme toi … enfin presque puisque j’ai commencé à aller en boîte de nuit à 15 ans … et pourtant, je n’ai jamais touché à la drogue ou à la cigarette. Au pire, je buvais un verre de Pisang ou de Jet27, mais uniquement une fois majeur [Ou alors le Jet27, c’était les soirs d’été mais en famille]. C’est à 18 ans que j’ai découvert les soirées alcoolisées, le whisky coca à volonté, mais je n’ai jamais abusé. Cigarette, je n’ai pas réussi à finir le paquet que j’avais acheté et on ne m’a jamais proposé de cannabis (puis j’aurai refusé).
Mes parents ont eu de la chance, ils ont eu 3 enfants pas embêtants de ce côté là. Mon frère n’a pas bu d’alcool pendant longtemps. C’est quand il est parti de la maison pour ses études qu’il a commencé à en boire pour les soirées (mais comme il fait très attention à ses sous, il boit peu)
Bref, avec nos enfants, on fait de la prévention depuis longtemps donc on croise les doigts.
J’avoue avoir plus peur des réseaux sociaux et du harcèlement qui peut en découler.
oui le harcèlement c’est vraiment le 2e sujet qui m’angoisse aussi comme tu le sais… 😕
Si on va bien, on se sort bien de toutes ces experiences de l’adolescence.
Si on va mal c’est l’escalade !
Personnellement j’ai tout expérimenté très tôt et toujours été attiré par l’interdit.
Quand on connait c’est plus facile de parler avec les jeunes, on dit moins de conneries, on sait un peu de quoi on parle, on a moins de tabou et on est mieux entendu.
J’ai beaucoup plus peur de l’anorexie, des scarifications, des tentatives de suicide, des radicalisations, de l’alcool et du tabac que du cannabis…
Toujours communiquer, toujours aimer, toujours être là, c’est ça qui est important !
Et essayer le cannabis car franchement c’est très sympa et pas pire qu’un apéro !
oui, je pense qu’avec des bonnes bases on s’en sort, je mise tout là-dessus 😀
Merci pour ces conseils.
Encore une fois, j’ai l’impression d’être ta » jumelle » !
Personnellement, en primaire, nous allions dans un gymnase un fois / semaine. Le vestiaire était petit et je n’étais pas rapide pour me changer…. Donc ma mère « m’habillait » en tenue dès le matin et je n’avais que les chaussures à changer.
Devant le dit vestiaire , il y avait le banc sur lequel,les déjà prêts, attendaient !
En face du banc: 2 grandes photos et sous chacune la légende :
Radio de poumons sains
Radio de poumons d’un fumeur
Évidemment la radio de fumeur était horrible ( genre des poumons d.un grooooos fumeur, en fin de vie …..).
Je me revois sur ce banc
Je revois ces photos
Alors que je n.ai plus côtoyé ni ce gymnase ni cette école ni les écoliers dès la 6eme … Et j.ai presque 39 ans.
Je n’ai jamais jamais jamais fumé….
Et dans le même genre que ton fils, mon père me disait à l.entree du lycée, si on te propose….. Et je lui répondais ( pour alcool tabac, et….) » non, mais j’en ai pas envie et si je dis non et ben ça sera non, c.est tout! »
😉
Coucou Jumelle 😉 Impressionnante ton expérience 😮 😮
J’en ai parlé aux loulous hier du coup pour connaitre leur état d’esprit actuel.
Mon Lou a dit qu’il voulait juste essayer la cigarette électronique car ce n’est pas du tabac.
Je lui ai précisé qu’actuellement on n’a aucun retour sur un risque quelconque sur ce moyen de substitution.
Bref, j’ai peur 🙁
Fou cette remarque de ton loulou !! c’était donc une bonne occasion de parler du sujet 😕
C’est vrai que « chez nous » (ville, région, Wallonie?) on est assez bien dans une culture picolante, ça fait vraiment partie de la fête. Donc j’ai déjà dit à mes enfants qu’on ne se faisait pas d’illusions, que l’alcool ils allaient tester. Ce qu’on leur a dit, par contre, c’est: si vous avez envie de (vous) tester, faites-le à la bière, pas aux m… super alcoolisées ou sucrées pré-mélangées, c’est moins fort et ça fait gonfler l’estomac, du coup les excès sont naturellement limités (pour être fraîche, la bière, ça ressort quand y a plus de place, la vodka, suis pas sûre!). JAMAIS de « binge drinking ». Je leur ai aussi raconté mon expérience aux USA, où les jeunes ne peuvent pas boire avant 21 ans, par contre ils conduisent dès 16 ans. Du coup, ils se procurent des bouteilles avec de faux permis de conduire, puis ils boivent très vite, en cachette… et reprennent le volant. Et pour eux, fête est synonyme de « je suis bourré ». La voiture, autre interdit absolu. Ils ne sortent pas encore (faut pas déconner, suis pas large d’esprit à ce point!!!!!!!!!!) mais ils savent déjà que le jour où, si je les prends à monter dans la voiture d’un mec bourré c’est le donjon jusqu’à leur majorité (35 ans). Le cannabis, pour l’instant ça a l’air d’aller: mon grand fait du break dance et c’est fort une culture « propre » de ce point de vue-là… Mais je me sens un peu comme le type dans « La Haine »: je ne peux pas m’empêcher de dire « jusqu’ici, tout va bien »… en croisant les doigts pour la suite! Courage à tous les parents!
AH AH AH je suis fan du « donjon jusqu’à 35 ans »